Encore une fois, la Grève du Climat a participé à la fête et journée de lutte des travailleureuses. Nous étions le 30 avril à Neuchâtel et le 1er mai au Locle. Lors d’un discours dans la Mère Commune, nous avons défendu l’importance d’une politique industrielle forte, sociale et écologiste.
Je vais vous parler d’un truc qui va peut-être vous étonner venant de l’écolo de service: la nécessité de préserver les usines d’acier qui restent encore en Suisse, et de manière générale la nécessité d’avoir une politique industrielle forte.
Depuis l’année passée, les travailleureuses de l’aciérie de Gerlafingen se mobilisent. L’entreprise avait décidé de supprimer 130 postes, et il y a un risque de fermeture, justifié par les prix de l’énergie. Les salarié·es se battent pour leurs emplois, mais aussi, avec les syndicats dont Unia, pour préserver un savoir-faire important et qui se raréfie. Il n’y a que deux aciéries en Suisse, et l’autre, à Emmenbrücke, est aussi en danger. Des arguments écologiques sont aussi avancés.
La Grève du Climat se mobilise autour de ces aciéries, réclame le maintien des emplois, et plus que ça, demande la socialisation de l’industrie de l’acier, à défaut la collectivisation des aciéries, ou de manière malheureusement plus réaliste leur nationalisation.
Il s’agit de préserver les emplois, mais aussi les savoir-faire, et des capacités de production effectives. Ce n’est pas par chauvinisme qu’on défend ça, évidemment. C’est que si ces deux dernières aciéries ferment, on ne pourra plus recycler l’acier en Suisse, et qu’on ne sera plus capable de produire de l’acier, acier utile pour fabriquer des trains, des supports pour panneaux solaires et d’autres choses utiles pour une transition écologique et sociale. En plus, Stahl Gerlafingen produit de l’acier un peu moins impactant sur l’environnement qu’ailleurs, notamment grâce au recyclage.
On l’a vu avec le covid, on l’a vu avec un bateau qui a bloqué le canal de Suez, on le voit maintenant avec les revirements des États-Unis, les chaînes d’approvisionnement du capitalisme peuvent être fragiles et changeantes. C’est important d’avoir une certaine autonomie à l’échelle régionale. Ça peut aussi faciliter un contrôle démocratique.
Je l’ai dit, la Grève du Climat défend un contrôle public sur les aciéries. On en est loin, mais les aides que la Confédération a accordées aux aciéries et à des usines d’aluminium sont au moins conditionnées à des garanties pour l’emploi et l’environnement.
C’est une première étape. On a déjà perdu la dernière usine qui produisait et recyclait du verre, il ne faut pas perdre les usines d’acier et d’aluminium. Une première étape, donc, mais largement insuffisante.
La Grève du Climat défend une politique industrielle forte, qui maintienne les capacités opérationnelles dans notre pays, et qui soit orientée vers la transition écologique. Parce que c’est évident que notre but n’est pas de produire tout et n’importe quoi juste pour maintenir les emplois. On veut produire des trains, des panneaux solaires, des vélos, pas des voitures ni des avions de combat. La défense des emplois, l’interdiction des licenciements, même, est une mesure nécessaire mais pas suffisante; et le soutien public et le maintien des infrastructures ne garantissent pas la pertinence des activités industrielles.
Pour ça, il faut se mobiliser, on ne peut pas laisser cette responsabilité à l’État bourgeois, encore moins à la main pas si invisible que ça du marché, ni se contenter d’alliances de circonstance avec les partis de droite.
On doit, dans nos mouvements, organisations politiques, syndicats, développer une vision globale, une vision de rupture avec les logiques capitalistes, une vision qui va au-delà de la défense corporatiste des emplois, une vision qui permette de repenser la place industrielle suisse dans son ensemble et de décider collectivement ce qu’on doit produire, en quelles quantités, comment… et ce qu’on doit abandonner. En somme, créer un monde débarrassé du productivisme et du dogme de la croissance, un monde où on partage les richesses, un monde internationaliste, un monde où la démocratie ne s’arrête pas aux portes des entreprises.

