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Droit de grève pour les étudiant.e.s neuchâtelois.es

À l’adresse de madame la Conseillère d’État Monika Maire-Hefti
Copies à la presse et au public


Novembre 2019


Chère Monika Maire-Hefti,


Nous nous permettons de prendre contact avec vous au sujet du mouvement de la Grève pour le Climat et, notamment, de la mobilisation du vendredi 29 novembre prochain. Pour votre information, il y aura de nouveau une grève, agrémentée de deux gratiferias, à l’Unine et au Lycée Blaise-Cendrars, ainsi qu’une manifestation le soir à La Chaux-de-Fonds.
Si nous vous contactons aujourd’hui, c’est pour parler du droit effectif des étudiantes et
étudiants à faire grève.


Nous tenons tout d’abord à saluer votre décision courageuse – nous savons qu’elle n’a pas fait l’unanimité parmi vos collègues d’autres cantons – de décider qu’il n’y aurait pas de sanctions contre les élèves grévistes au niveau post-obligatoire. Cela a constitué une aide précieuse, et nous vous en remercions.
Toutefois, nous voyons que cette mesure n’est pas appliquée avec le même sérieux dans tous les établissements du canton. En effet, si nous n’avons pas eu connaissance de sanctions officielles, il nous a été rapportés des pressions et sanctions de facto à l’encontre de personnes impliquées dans le mouvement de la Grève pour le Climat. Nous ne nommerons pas d’établissement afin de ne pas mettre les étudiant.e.s concerné.e.s dans l’embarras ou dans une situation difficile. Ces pressions consistent notamment en une dévalorisation de l’engagement militant, et en des incitations extrêmement fortes à rester en classe les jours de grève. Il nous a été rapportés des propos du type “Vous devez choisir entre la grève et vos études”.


Nous voyons pourtant après deux semestres et sessions d’examens que les militant.e.s de la Grève pour le Climat ne connaissent pas plus d’échec scolaire que les autres étudiant.e.s, et qu’ils et elles apprennent énormément via ce mouvement (fonctionnement des institutions, auto-organisation démocratique, motions populaires, élections, relations à l’administration, organisation de cours et conférences, etc. – toutes choses qui ne s’apprennent pas à l’école).
Nous voyons aussi que la position des autorités scolaires est déterminante. Si les lycées du Bas sont moins mobilisés que celui du Haut, c’est en partie car leur direction n’est pas aussi ouverte que celle du Lycée Blaise-Cendrars. Et les directions de lycées et de l’université sont en règle générale bien plus favorables à cette mobilisation que celles des autres établissements.
En outre, le fait que les élèves de l’école obligatoire faisant grève se voient sanctionné.e.s est préjudiciable à une large mobilisation. Nous n’avons jamais cherché à recruter à l’école obligatoire, pourtant, le 18 janvier, des dizaines d’élèves du cycle 3 notamment ont pris part à la mobilisation et même à l’organisation de la grève et de la manifestation. Après avoir reçu des heures de colle, ils et elles ne sont jamais revenu.e.s. Cette situation est d’ailleurs dénoncée par l’association Child Rights International Network (CRIN), avec qui nous sommes en contact et qui dénonce la répression à l’égard des jeunes manifestant.e.s dans un communiqué disponible à l’adresse http://home.crin.org/respect-students-right-to-protest (en anglais) ou à
l’adresse https://static1.squarespace.com/static/5afadb22e17ba3eddf90c02f/t/5d82477ad4a414168dd26e25/1568819067012/CRIN+statement_+September+climate+strikes+-+French+%281%29.pdf
(en français).
Ce communiqué rappelle que “Les enfants ont certes le droit à l’éducation, mais ce n’est pas leur seul droit humain. Les enfants ont également le droit à la liberté d’expression, comme tout le monde, qui couvre le droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations et des idées de toutes sortes. Ils ont également droit à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique. Ces droits incluent incontestablement le droit de prendre la parole et de manifester. Les restrictions imposées à la capacité des enfants à exercer ces droits enfreignent la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE) , qui défend les droits fondamentaux de toute personne de moins de 18 ans . ”
Nous comprenons évidemment qu’il est difficile d’encourager une grève en tant que Conseillère d’État – bien que votre homologue vaudoise a fait passer un courriel à tou.te.s les élèves vaudois.es, via les directions d’établissements, invitant à organiser une assemblée générale dans chaque école et remplir des cahiers de doléances à remonter au Conseil d’État. Mais nous tenons à souligner que notre mouvement, comme le rappelait monsieur Christophe Stawarz, directeur du Lycée Blaise-Cendrars, dans une interview accordée à la RTS lors du début de la mobilisation (et que l’on peut par ailleurs réécouter à l’adresse suivante:
https://www.rts.ch/info/regions/10139638-les-autorites-scolaires-divisees-sur-les-gymnasiens-prets-a-manifester.html ), participe pleinement de l’éducation civique et de l’engagement citoyen – qui fait partie des missions de l’école publique. De plus, les enjeux sont trop énormes pour être ignorés. Notre environnement devient de plus en plus invivable, et il nous est impensable de ne rien faire contre l’effondrement de la biodiversité, le réchauffement climatique et la pollution auxquels nous faisons face. Nous rappelons aussi que le mandat du peuple et des député.e.s est clair: les motions populaires et parlementaires, ou encore les recommandations, adoptées ces derniers mois, ainsi que les résultats des élections fédérales le montrent: la population veut
une politique écologiste volontariste, rapide, courageuse et radicale. Le POP, solidaritéS, les Vert.e.s, et le PS dont vous faites partie, forment à eux seuls une majorité parlementaire dans notre canton. Tous ces partis soutiennent ouvertement une politique écologique bien plus conséquente qu’actuellement, et leurs membres participent aux événements et projets de la Grève pour le Climat (grèves, manifestations, conférences, motions populaires…). Mais il n’y a pas que la gauche qui est dans cette optique. Le parti Vert’libéral lutte également pour un changement de paradigme environnemental, et a appelé à participer aux grèves pour le climat. Et le PDC, le PLR, ainsi que certaines personnes de l’UDC se dirigent de plus en plus dans le sens d’une politique écologique ambitieuse.
Or, nous l’avons vu ces derniers mois: plus que les revendications des partis et les
changements de majorités, ce sont les mobilisations populaires qui permettent les changements politiques. Cette année, les mouvements de la Grève féministe et de la Grève pour le Climat ont permis des avancées conséquentes qui n’auraient pas eu lieu sans leurs grèves, manifestations, motions populaires, conférences de presse, négociations, engagement dans l’éducation populaire, etc.
Nous pensons donc que le rôle de notre gouvernement cantonal est, aussi, de permettre ce genre de mobilisations, événements hautement démocratiques, formateurs, inventifs et vecteurs de changements sociaux cruciaux.


Mais nous nous adressons également à vous en tant que femme socialiste. Vous avez été élue et réélue en tant que socialiste (donc en tant que membre d’un parti mettant les luttes sociales et écologistes au centre de ses préoccupations), tout comme deux de vos collègues, avec qui vous formez une majorité gouvernementale. Le mandat du corps électoral transparait là encore nettement et devrait vous encourager. Nous savons que vos convictions sont réelles et ne dépendent pas d’échéances électorales. Vous avez maintes fois montré votre engagement social, féministe, écologiste. Nous savons que vous êtes convaincue que notre cause est bonne. Vous nous avez vous-même parlé de décroissance. Vous avez décidé de ne pas sanctionner les étudiant.e.s qui feraient grève pour protéger leur environnement, notre environnement commun.
Ce que nous vous demandons, c’est du courage. Du courage politique. Nous en avons besoin.
Une énorme partie de la population est convaincue qu’il faut agir. Mais il ne suffit pas d’être convaincu. Il faut encore agir! Nous, jeunes surtout, lycéen.ne.s et universitaires en majorité, avons lancé un mouvement massif et radical. De nombreuses personnes de tout âge et horizon politique, géographique, de langue, d’origine, de classe sociale… – nous ont rejoint.e.s. Nous vivons un moment historique important. Nous sommes à un tournant. Les mouvements écologistes et féministes – qui tous deux mettent en évidence la nécessité de la solidarité et de la justice sociale – provoquent des mobilisations phénoménales.
Mais nous sommes loin du compte. Nous sommes face à la pire crise environnementale que l’humanité ait jamais connue. Et nous ne faisons, en tant que société, pas grand chose pour changer cela. Mais il est temps d’agir! Ce n’est pas en 2050, ni même demain, qu’il faudra changer notre modèle de société. C’était il y a plusieurs décennies! C’est pourquoi nous devons sans attendre nous atteler à la tâche. Et nous avons pour cela besoin de l’engagement de toutes les personnes de bonne volonté.


Nous vous demandons donc:
1) De rappeler à toutes les directions d’établissements que les sanctions, pressions et
autres entraves au bon déroulement des grèves et autres mobilisations effectuées dans
le cadre de la Grève pour le Climat sont intolérables;
2) D’étendre le soutien et les garanties apportées par le Département de l’Éducation et de la Famille à l’ensemble des élèves neuchâtelois.es, y compris au niveau obligatoire;
3) De communiquer officiellement les mesures prises.


Nous nous permettons encore d’insister sur l’importance de traiter rapidement et
conséquemment les motions populaires et parlementaires adoptées récemment par le Grand Conseil dans le domaine de l’environnement.
Nous vous remercions pour votre attention et espérons que vous saurez vous montrer à la hauteur de nos espérances.


La lutte ne sera pas facile. Mais courage, on vaincra la fin du monde!


Nous vous prions d’agréer nos respectueuses salutations et restons à disposition pour toute demande d’information ou discussion avec vous-même, vos collègues ou vos services respectifs,


Mouvement de la Grève pour le Climat, canton de Neuchâtel
[email protected]
https://neuchatel.climatestrike.ch

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